« Dans les boulevards et les cités, dans chaque immeuble et chaque maison, derrière les haies ou dans la cour, nos chers voisins ne sont jamais bien loin… » Devant l’école Simone-Veil, au cœur du Petit-Colombes, quelque 80 personnes écoutent attentivement le texte lu par la cheffe d’entreprise Rose Ameziane. Les stylos s’appliquent sur les feuilles blanches. Ici, on ne plaisante pas avec la Dictée pour tous.
Créée en 2013, cette manifestation nationale, relayée par des associations locales, a investi le Petit-Colombes pour la première fois, ce samedi après-midi. « Depuis 2016, on décline la dictée sur la ville mais jusque-là, on ne le faisait qu’aux Fossés-Jean, le quartier où nous sommes basés. On a voulu voir plus grand », explique Samia El Bouche, présidente de l’association Jeun’Espoir de Colombes (Hauts-de-Seine), aux commandes de l’opération avec deux autres structures, Envol local et l’association des habitants des Côtes d’Auty.
Dimanche prochain, une dictée de même difficulté doit rassembler les habitants des Fossés-Jean*. « Et après, on verra quel quartier a le plus mobilisé et a fait le moins de fautes d’orthographe. Une rivalité entre cités autour de l’orthographe, c’est quand même sain, résume Samia. Le but est de réunir les habitants, toutes générations confondues, autour d’un événement festif et culturel. »
De fait, de l’élève de CP aux retraités, des Colombiens de tous âges ont pris place sur les tables mises à disposition par la ville. « Moi, c’est ma mère qui m’a suggéré d’y participer, reconnaît Sheryl, 17 ans. D’habitude, je suis plutôt bonne en orthographe. Je suis plus curieuse que stressée… Et puis les prix sont motivants. »
<p>Et ils sont identiques au Petit-Colombes et aux Fossés-Jean : des trottinettes électriques pour les élèves de primaire et de collège, un assistant vocal type Google Home pour les adultes et, le gros lot pour la catégorie lycéens, un permis de conduire financé par une auto-école du quartier. D’autres lots comme des invitations ou des menus dans des restaurants sont aussi prévus.</p>
<p>À 28 ans, Omar, « matheux travaillant dans le génie industriel » se présente-t-il, est venu participer avec ses frères et sa jeune sœur de 12 ans. « C’est le bon moyen pour faire apprécier l’orthographe, estime-t-il. Je me force à écrire correctement, même quand j’envoie un texto. C’est important de bien écrire dans le monde professionnel. On a l’impression de faire quelque chose de soigné et c’est aussi une marque de respect. »</p>
Mohamed, lui, accompagne sa fille de sept ans, Marwa : « C’est elle qui a voulu venir. Je suis fier d’elle mais sa mère est balèze en orthographe », plaisante le jeune père. Un peu plus loin, Abdallah Boudour voit les concurrents affluer. C’est lui le fondateur de la Dictée pour tous. « L’objectif est bien de donner le goût à la lecture et à l’écriture et de valoriser notre patrimoine linguistique », détaille le trentenaire originaire, dit-il, « d’Oran et d’Argenteuil ».
C’est Rose Ameziane, cheffe d’entreprise et présidente de l’association Mouv Territoires, qui a donc donné de la voix pour lire le texte. « La dictée, c’est l’exercice qu’on n’aime pas en général. En en faisant un événement qui rassemble et qui implique les quartiers, on transforme une corvée en moment de plaisir », insiste la jeune femme qui est aussi chroniqueuse dans plusieurs émissions de télé.
Passées les épreuves locales, les meilleurs des meilleurs se retrouveront pour la grande finale nationale, le 9 juillet, dans le Grand Palais éphémère, ce bâtiment conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte et bâti sur le Champ-de-Mars, à Paris.
7 mai 2022